Espace naturel et paysages religieux : les grottes dans le monde grec
Navigation – Plan du site

AccueilRevue de l'histoire des religions4II. Analyse de l’espace religieuxEspace naturel et paysages religi...

II. Analyse de l’espace religieux

Espace naturel et paysages religieux : les grottes dans le monde grec

Natural Spaces and Religious Landscapes: Grottoes in the Greek World
Katja Sporn
p. 553-571

Résumés

Parmi les sanctuaires naturels, les grottes présentent l’intérêt de pouvoir être repérées et analysées tant à travers les sources littéraires et iconographiques que grâce aux découvertes archéologiques. En Grèce, environ 130 grottes peuvent être identifiées pour les périodes historiques. La présente contribution est principalement consacrée aux questions d’espace, qu’il s’agisse des éventuels espaces rituels – dans et aux alentours des grottes –, ou du rôle des grottes elles-mêmes en tant qu’élément du paysage religieux. On avancera la thèse que les grottes, bien souvent, n’ont pas besoin d’une définition claire de leur espace rituel. D’autant que situées en dehors du tissu urbain, elles abritent rarement des pratiques religieuses communautaires, mais accueillent plutôt des pèlerins isolés.

Haut de page

Texte intégral

  • 1 Bacchylide, Dithyrambes, 17, 84‑85; Eschyle, Perses, 111; Elisabeth Krenn, « Heilige Haine im griec (...)

1Les paysages religieux de la Grèce se caractérisent par une grande variété de lieux de culte, depuis les sites à peine perceptibles et identifiables jusqu’aux grands bâtiments ou complexes architecturaux, comme les sanctuaires panhelléniques de Delphes et d’Olympie. La divinité peut en principe se manifester dans n’importe quel milieu naturel : une simple pierre ou une falaise entière, un arbre ou un bois, une source, un lac ou même une partie de la haute mer (πόντιον ἄλσος)1, des gouffres, des cavernes ou des grottes. Cependant, toutes les composantes de la nature n’étaient pas considérées comme sacrées. Le plus souvent, il s’agissait d’éléments significatifs du paysage auxquels se rattachait un mythe cultuel étiologique. Des sanctuaires naturels de ce type sont bien connus par des descriptions ou des mentions dans la littérature antique et dans les inscriptions. En revanche, dans les résultats des enquêtes archéologiques, ils sont généralement difficiles à identifier, en raison du caractère souvent limité et non durable de l’empreinte matérielle humaine. Grâce aux représentations figurées, particulièrement les peintures sur vase et les reliefs, nous savons par exemple que des arbres pouvaient être ornés de manière éphémère de rubans et de tablettes de terre cuite. Pour autant que ces signes distinctifs aient été composés de matériaux organiques, ils ont aujourd’hui disparu depuis longtemps.

  • 2 ThesCRA, IV, 2005, p. 12‑13, s.v. « Alsos » (Ulrich Sinn). Pour les bois et les jardins sacrés, voi (...)
  • 3 Parmi les exceptions connues en Grèce, on peut compter les fosses de plantation des arbres du sanct (...)
  • 4 Friedrich Muthmann, Mutter und Quelle. Studien zur Quellenverehrung im Altertum und im Mittelalter, (...)

2Les bois sacrés et les arbres isolés étaient manifestement à ce point importants pour les sanctuaires antiques que le terme grec pour le bois, alsos, a pu servir de désignation pour un lieu de culte2. Mais aujourd’hui les arbres peuvent rarement être identifiés lors de fouilles archéologiques3, et l’on ne peut guère prouver l’existence de bois n’étant pas accompagnés d’une structure bâtie. La nature ne s’est pas seulement modifiée fortement jusqu’à aujourd’hui, mais c’était déjà le cas au cours de l’Antiquité gréco-romaine. Ainsi, alors que le bois sacré de Poséidon à Onchestos de Béotie était célébré dans les hymnes homériques, Strabon n’a pu y trouver le moindre bois au cours de sa visite. Manifestement il fut replanté, puisqu’au iie siècle après J.-C. Pausanias a pu à nouveau admirer le bois. Il en est communément de même pour les sources sacrées : elles peuvent être identifiées uniquement par l’association avec des vestiges architecturaux d’un sanctuaire ou par des offrandes4.

  • 5 Une étude de grande ampleur sur les grottes cultuelles grecques est en préparation par l’auteur. Po (...)

3Par conséquent, les sanctuaires naturels se révèlent principalement dans les sources écrites et, de temps à autre, dans la documentation figurée – comme les peintures sur vase –, plutôt que dans les prospections archéologiques de surface ou les fouilles. Jusqu’à présent, en raison de cette situation heuristique, ce sont les philologues et les historiens – plus que les archéologues – qui les ont rencontrés. Les grottes cultuelles constituent la seule exception5. Contrairement à la plupart des sanctuaires naturels, bon nombre d’entre elles se sont conservées jusqu’à aujourd’hui. En raison de sa structure géologique karstique, la Grèce est particulièrement riche en grottes. Dans les années 1980, un recensement du Service grec de spéléologie pouvait en décompter au moins 7 000 ; aujourd’hui plus de 10 000 grottes seraient connues. Toutefois, il est particulièrement difficile de déterminer le type et l’importance de leur usage antique. À l’époque préhistorique, les grottes ont été utilisées surtout comme sites d’habitat. De même, à l’époque historique, elles ont servi d’abri profane pour les hommes et les bêtes dans les montagnes, mais aussi de lieu d’exil, de retraite ou d’aventure amoureuse. Un examen de toutes les sources disponibles – découvertes archéologiques, sources littéraires et épigraphiques, indices iconographiques –, a révélé l’existence, probable ou avérée, d’environ 130 grottes-sanctuaires à l’intérieur des frontières actuelles de la Grèce. La tendance est à la hausse, particulièrement grâce aux recherches du Service grec de spéléologie qui recense sans cesse de nouvelles grottes. Néanmoins, en comparaison du nombre total de grottes connues, le nombre limité de grottes vouées à un usage cultuel montre déjà que celles-ci constituaient l’exception et non la règle.

  • 6 Ceci concerne l’époque historique. Sur l’utilisation des grottes en Italie au néolithique et à l’âg (...)
  • 7 Concernant le culte de Pan, voir l’ouvrage de Philippe Borgeaud, Recherches sur le dieu Pan, Genève (...)

4Ces grottes cultuelles ne sont pas réparties de manière homogène dans toutes les régions de Grèce (fig. 1). La plupart de celles qui sont connues se trouvent en Crète ou en Attique, seules régions où jusqu’à présent ont été menées des recherches systématiques. En Grèce du Nord, c’est-à-dire en Macédoine et en Thrace, les grottes sanctuaires sont plutôt rares, et datent surtout des époques classique et ultérieures. Il en va de même pour l’Asie Mineure et la Grande-Grèce6. Les grottes cultuelles peuvent être définies comme un phénomène propre à la Grèce continentale, au Péloponnèse et aux îles, plutôt qu’à la Grèce dans son ensemble. Cela s’explique probablement par le fait que celles-ci, pourtant attestées très tôt – dès l’âge du bronze en Crète et le premier âge du fer en quelques autres endroits –, n’ont connu un usage intensif qu’à partir de l’époque archaïque, particulièrement à partir du vie siècle avant J.-C. À cette époque, les grands mouvements de colonisation de la Grèce vers l’Orient et vers l’Occident, durant lesquels les colons transmettent leurs traditions cultuelles, appartiennent déjà au passé. En Attique, l’engouement pour les grottes cultuelles apparaît seulement à partir du ve siècle avant J.-C. Cela tient surtout à ce que Pan y était honoré. Selon la tradition mythique, son culte en Attique – dont on trouve traces dans les découvertes archéologiques – a été introduit en raison de son aide miraculeuse au cours de la bataille de Marathon en 490 avant J.-C.7. Bien que ce culte du dieu du monde sauvage ne fût pas limité aux grottes dans sa patrie arcadienne (et même n’y apparût pas très fréquemment), Pan, le monde sauvage et l’espace naturel de la grotte sont devenus pour ainsi dire synonymes en Attique. Des indices laissent penser que la pratique du culte de Pan dans des grottes s’est répandue depuis l’Attique dans d’autres régions de la Grèce. Ainsi le suggèrent des terres cuites de petit format imitant des modèles attiques, voire importés d’Attique qui, à côté des inscriptions, révèlent souvent la présence d’un culte de Pan.

5La présente contribution privilégiera les aspects spatiaux des grottes cultuelles antiques. Il s’agira, d’une part, de définir l’espace rituel dans la grotte elle-même et, d’autre part, de déterminer le rôle des grottes cultuelles comme élément du paysage religieux de la Grèce.

L’espace rituel des grottes cultuelles grecques

  • 8 Voir par exemple ThesCRA, IV, 2005, p. 1‑4 s.v. « Kultorte » (Ulrich Sinn), de même que pour la dél (...)

6Un sanctuaire est, en règle générale, défini par un espace clairement délimité, un temenos, dans lequel se trouvent un autel et une image cultuelle incarnant le dieu8. Ce terrain consacré pouvait être séparé du domaine profane par un mur ou des bornes, et était considéré comme propriété de la divinité. À l’intérieur de l’enceinte se trouvent non seulement les bâtiments et les éléments associés au rite – comme le temple avec l’image cultuelle et l’autel –, mais également les constructions annexes nécessaires pour le fonctionnement du sanctuaire, tels que des bains, des infrastructures sportives, des magasins, un lieu d’hébergement, etc. Toutefois, la structure et l’importance de ces bâtiments avec leurs infrastructures étaient dépendantes des besoins du culte tout autant que des moyens matériels des instances responsables. Ainsi, des installations sportives n’étaient nécessaires que lorsque le culte impliquait la tenue de concours. Des hébergements pouvaient être assurés également durant les fêtes par des constructions éphémères, comme des chapiteaux.

  • 9 Concernant le problème de la définition et de la délimitation de l’espace rituel dans les sanctuair (...)
  • 10 L’opinion selon laquelle les sanctuaires naturels sont d’anciennes structures qui ont été préservée (...)

7Le caractère des grottes et des autres sanctuaires naturels est controversé. Alors que François de Polignac constate, pour les sanctuaires naturels, l’absence d’une organisation spatiale et un manque de délimitation entre l’espace sacré et l’espace profane, Christiane Sourvinou-Inwood y reconnaît un espace sacré strictement défini9. L’autel situé devant l’antre Corycien, près de Delphes, offre une indication de la définition de l’espace sacré. Cette grotte constitue aussi selon elle une preuve que les sanctuaires de grotte n’étaient pas seulement destinés à la population pauvre des alentours, comme le suppose F. de Polignac, mais qu’ils attiraient un cercle de visiteurs plus large. En outre, ces sanctuaires ne transmettaient pas simplement, d’après elle, une croyance populaire d’époque ancienne, tels que le suggèrent les développements parfois plus tardifs des cultes, à l’instar de celui de l’antre Corycien qui ne débuta qu’à la fin du viie siècle avant J.-C10. Les remarques succinctes de C. Sourvinou-Inwood sont sans aucun doute justifiées. Cependant, il est problématique de généraliser sur l’état et le rôle des grottes à partir de quelques vestiges issus de différentes époques. Une analyse des trois principaux éléments constitutifs de l’espace sacré – le temenos, l’autel et l’image cultuelle –, doit nous aider à classifier l’espace des grottes.

Le temenos

  • 11 Des terrasses naturelles se trouvent approximativement en face de l’antre Corycien, de la grotte de (...)
  • 12 Vari : IG I977a, Pharsale : SEG 1, 248 et SEG 2, 357 (ve siècle avant J.-C.).
  • 13 Au nombre des exceptions, on compte la grotte de Krounia en Thessalie, où des éléments architectura (...)
  • 14 Voir à ce propos K. Sporn, « Höhlenheiligtümer in Griechenland », art. cité, p. 46‑51.

8Les grottes qui, en raison de leur configuration, possèdent un espace en grande partie clairement défini, ne disposent cependant pas de délimitation naturelle au niveau de l’entrée – notamment dans le cas des grottes ouvertes. Cette carence n’est que rarement compensée par l’aménagement d’une terrasse ou d’un mur artificiels devant l’entrée de la grotte, tandis qu’aucune borne n’a été jusqu’à présent attestée11. Étant donné qu’aucune entrée de grotte n’a encore fait l’objet de fouilles systématiques envisageant la recherche de restes organiques, il n’est actuellement pas possible de déterminer si une délimitation était assurée par la croissance naturelle d’arbres ou de plantes. Il ressort d’une inscription de Vari que l’entrée des grottes pouvait être plantée : elle commémore l’aménagement d’un jardin par un certain Archédamos. Dans ce cas, comme pour les arbres qu’un certain Pantalkès planta pour les Nymphes devant une grotte proche de Pharsale en Thessalie, il n’est cependant pas assuré que ces espaces plantés aient servi de délimitation à l’espace consacré, voire qu’ils aient même appartenu à cet espace12. La présence d’autres éléments bâtis devant les grottes, servant d’infrastructures sacrées ou profanes, est rare13. Même l’espace intérieur de la grotte est rarement contraint par des subdivisions architectoniques14. Cela se présente de temps à autre dans des grottes intégrées à un sanctuaire plus vaste, comme la prétendue tombe d’Iphigénie à Brauron.
Également dans la grotte d’Ellinokamara, située sur l’île de Kasos, des murs divisent l’espace intérieur en trois parties. Toutefois, seule la publication définitive des recherches en cours permettra de lever le voile sur l’usage éventuel de la grotte comme sanctuaire.

  • 15 Maria Deoudi, Ιθάκη. Die Polis-Höhle, Odysseus und die Nymphen, Thessalonique, 2008, p. 323‑324.

9À Ithaque, dans la grotte de Polis, un mur concave en tuf – rattaché à la phase de restructuration du ive siècle avant J.-C. – court parallèlement à l’entrée et servait probablement au dépôt des offrandes15. En effet, dans cette zone on a trouvé quantité d’objets votifs, parmi lesquels les restes des trépieds en bronze les plus anciens. Une structure bâtie pour disposer les objets votifs – qui correspondent approximativement aux banquettes cultuelles des temples – est un cas unique pour les grottes. Si l’interprétation se vérifiait, cela témoignerait d’une organisation de la disposition des offrandes, correspondant à la mise en scène des statues votives dans les grands sanctuaires. Cela pourrait s’expliquer en raison du caractère officiel de cette grotte comme siège d’un culte organisé. Cependant, il semble qu’aucune interprétation globale de l’espace rituel, valable pour l’ensemble des grottes cultuelles, ne soit possible. Celles-ci entretiennent différents liens de dépendance spatiale avec la ville et le territoire, et servent à différents types de rites. Nous reviendrons sur les différentes structures destinées aux visiteurs des grottes cultuelles.

L’autel

  • 16 Concernant l’autel devant l’antre Corycien, voir Pierre Amandry, « Le culte des Nymphes et de Pan à (...)
  • 17 La question problématique de l’ancienneté de la fête des Idaia reste cependant posée : voir K. Spor (...)
  • 18 Pour plus de détails, voir K. Sporn, « Höhlenheiligtümer in Griechenland », art. cité, p. 54‑55.
  • 19 Sur les autels rupestres rudimentaires dans les grottes de Skoteino et de Melidoni en Crète, et dan (...)
  • 20 Sur les restes subsistant dans les grottes de Cos et de Cyllène, ainsi que devant les grottes de Da (...)

10Ni un temenos délimité de tous côtés, ni même un autel clairement défini ou une image cultuelle ne sont des éléments indispensables à un sanctuaire de grotte. Certes, il y a des autels, mais ils ne sont que rarement façonnés par la main de l’homme. Devant l’antre Corycien près de Delphes, mais aussi devant la grotte de l’Ida, se trouve un grand autel16. Dans le cas de l’antre Corycien, il a été bâti, dans celui de l’Ida, il a été taillé dans le rocher. Ce dernier est pourvu d’une rigole, tracée également dans le rocher – rigole dans laquelle le sang des victimes pouvait s’écouler. Rares sont les autels fixes de cette taille parmi les grottes-sanctuaires. Leur taille et leur situation éminente devant la grotte doivent être proportionnelles au nombre de sacrifices et, donc, à l’importance de la communauté cultuelle qui prenait part aux fêtes en ne pouvant trouver de place à l’intérieur de la grotte. Les cultes rendus dans ces deux endroits sont à compter au nombre des quelques cultes institutionnalisés rattachés à des grottes17. Dans ces deux lieux se tenaient régulièrement des fêtes auxquelles se rendaient les habitants des régions avoisinantes. Certes, des autels, aussi bien taillés dans le roc que bâtis, sont attestés dans d’autres grottes. Cependant, les plus anciens autels qui, de manière certaine, aient été façonnés par l’homme, ne remontent pas avant l’époque archaïque, et pourraient même n’être que bien plus tardifs18. Parfois, ils se trouvent situés profondément à l’intérieur de la grotte. Ainsi, les autels rupestres – rarement façonnés par l’homme – épousent souvent la forme naturelle du rocher19. Dans d’autres cas, des cendres mêlées à des ossements révèlent le tracé d’une aire sacrificielle à l’intérieur de la grotte ou devant celle-ci20. Jusqu’ici, aucune découverte n’a révélé l’utilisation simultanée de plusieurs aires sacrificielles dans une même grotte, de sorte qu’il pourrait être établi que, à chaque fois, un seul endroit était défini comme zone de sacrifice. Toutefois, l’état problématique de la documentation – étant donné que presque toutes les couches archéologiques des grottes sont perturbées – ne permet aucune interprétation définitive.

  • 21 Concernant les bas-reliefs de Nymphes, voir Charles M. Edwards, Greek Votive Reliefs to Pan and the (...)
  • 22 Cette grotte était précédemment identifiée à la grotte de Liontari, située au-delà de Paiania : cf. (...)

11Bien qu’elles soient stéréotypées, il ressort nettement des représentations des bas-reliefs de Nymphes que des rochers non taillés étaient intégrés comme autels dans le culte21. Si l’on ajoute foi aux représentations, ces autels étaient installés plutôt dans la partie antérieure de la grotte, à proximité de l’ouverture. Toutefois, dans l’une des seules descriptions existantes de sacrifices dans une grotte, transmise dans la comédie de Ménandre Le Dyskolos (407‑409), l’autel prend place à l’intérieur de la grotte : une Athénienne vient avec une servante et un cuisinier dans le sanctuaire de Pan de Phylé, ils s’installent devant l’ouverture de la grotte, mais se déplacent à l’intérieur pour la préparation et l’accomplissement du sacrifice22.

  • 23 D’après une source hellénistique, Antoninus Liberalis, 19, rapporte qu’un grand feu était allumé ch (...)
  • 24 De telles inscriptions sont attestées à Pharsale : Jean-Claude Decourt, Inscriptions de Thessalie, (...)
  • 25 Anastasios K. Orlandos, « Pitsà », Enciclopedia dell’arte antica, classica e orientale, 6, 1965, p. (...)
  • 26 Bien qu’il ne s’agisse pas d’une dédicace au sens d’une offrande, le traité d’époque hellénistique (...)
  • 27 Pour les statues dans les grottes, voir K. Sporn, « Höhlenheiligtümer in Griechenland », art. cité, (...)

12Par conséquent, la question se pose de savoir dans quelle zone exacte de la grotte était accomplie la partie la plus importante du rite, c’est-à-dire le sacrifice. Manifestement, il n’y avait sur ce plan aucune règle clairement définie. Pour peu que l’intérieur de la grotte fût suffisamment bien ventilé pour que la fumée puisse sortir, alors l’accomplissement d’un sacrifice avec combustion était possible, lorsque le réclamait le culte23. La place devant la grotte s’offre pour les fêtes plus importantes. Bien que des sources abondantes mentionnent des sacrifices et d’autres actes privés, les grandes fêtes ne sont attestées que dans un petit nombre de grottes. Outre le sacrifice offert par une femme, sa servante et son cuisinier, dans la grotte de Pan (tel que le rapporte Ménandre), on en trouve trace dans les inscriptions qui commémorent les initiatives privées de construction ou de plantation dans les grottes de Vari et de Pharsale. La plupart du temps, ces inscriptions sont gravées devant ou dans la grotte, sur des vases ou directement sur le rocher, plus rarement sur des pierres indépendantes. La simplicité dans la manière d’annoncer, sur la face extérieure de certaines grottes, leur fonction sacrée, en quelques traits sommaires, témoigne en faveur du caractère non-officiel de ces lieux24. De même, des représentations de sacrifice, comme sur la célèbre tablette en bois de la grotte de Pitsa à proximité de Sicyone, montrent une seule unité familiale –probablement celle du dédicant de la tablette25. En revanche, on ne connaît actuellement aucune dédicace officielle dans une grotte, ni d’une ville, ni d’un souverain, ni même de l’instance de contrôle d’un sanctuaire, comme un prêtre ou un trésorier26. De même, à l’exception des découvertes de marbre, de bijoux et de bronze dans l’antre Corycien, dans la caverne de l’Ida et dans quelques grottes de l’Attique, les offrandes de grande valeur font également défaut27. Ceci ne tient pas seulement aux conditions particulièrement mauvaises de conservation du matériel contenu dans les grottes – qui, pour la plupart, ont servi durant des siècles à d’autres usages –, mais aussi aux motivations qui sont à l’origine des sacrifices. Ces motivations, que l’on peut surtout déduire des sources littéraires, se rapportent toujours à des intérêts personnels d’individus, non à ceux de communautés : guérison en cas de maladie, prospérité des cultures, désir de grossesse, naissance, mariage, etc. Ce type de besoins privés va de pair avec la fréquentation du sanctuaire par un petit groupe cultuel restreint ou des individus.

L’image cultuelle

  • 28 L’évolution chronologique donnée par exemple chez J. Pedley, op. cit., p. 29, selon laquelle la pré (...)
  • 29 Il n’est pas certain que les vestiges de mobilier en ivoire appartiennent à ce trône: Jannis A. Sak (...)
  • 30 K. Sporn, Heiligtümer und Kulte Kretas in klassischer und hellenistischer Zeit, op. cit., p. 275‑27 (...)
  • 31 Pour les inscriptions, voir J.-C. Decourt, Inscriptions de Thessalie, I : Les cités de la vallée de (...)
  • 32 Parmi les nombreux exemples, on citera seulement ici les grottes de Lera et d’Arkoudospilia en Crèt (...)

13Le troisième élément central d’un sanctuaire – l’image cultuelle –est finalement tout aussi peu caractéristique pour les grottes. À l’époque classique, les cités grecques rivalisent dans l’érection de statues particulièrement grandes, voire colossales. On estime ainsi à 12 mètres la hauteur du Zeus trônant de Phidias à Olympie, si bien qu’il aurait presque transpercé le toit du temple, s’il avait pu se lever. À l’inverse, dans les grottes cultuelles grecques, les statues de culte, même de petite taille, ne sont pas courantes28. Les représentations iconiques, qu’il s’agisse de sculptures indépendantes ou travaillées dans le rocher, comme par exemple la statue du roi perse Shapur Ier dans une grotte de Bishapur en Iran (iiie siècle après J.-C.), n’étaient pas un élément essentiel des grottes grecques. Dans celle de l’Ida ne se trouvait manifestement aucune image du dieu, mais simplement un trône vide. Le dieu n’était certainement pas présent en image, mais uniquement dans le pouvoir d’imagination du pèlerin29. Dans les grottes, maintes images divines supposées, qui sont attestées par les textes, devaient être des rochers naturels dont la forme rappelait une figure, plutôt que l’œuvre de l’homme. Des exemples en sont connus dans quelques grottes crétoises, comme celle d’Arkoudospilia où la forme d’un rocher rappelle un ours, ce qui a donné à la grotte son nom actuel en grec moderne30. Une image divine n’est donc pas nécessaire, étant donné que la présence du dieu se manifeste dans l’ensemble de l’espace naturel que constitue la grotte, et ne devait pas être fixée en un point particulier. L’identité de la présence divine laissait également place à une certaine flexibilité : en raison du fait que la fréquentation de grottes naturelles relevait plutôt d’une initiative privée, la puissance divine pouvait être interprétée différemment. Sans doute est-ce précisément pour cela que, dans les grottes, plusieurs dieux différents étaient honorés, bien souvent en fonction de l’adorant. La grotte située au-dessus de Pharsale a été consacrée par Pantalkès dans la première moitié du ve siècle avant J.-C. « aux déesses », ce qui doit désigner les Nymphes, également nommées dans une inscription postérieure d’un siècle. Mais, à cette date, elles ne se trouvent plus seules. Désormais, le même endroit est une grotte dédiée à Chiron, à Asclépios et à Hygie, aux Nymphes, à Pan, à Hermès, à Apollon et à Héraklès, ainsi qu’aux dénommées hetairoi31. Manifestement, l’espoir de voir exaucer ses demandes augmentait à proportion du nombre de divinités impliquées. Dans d’autres grottes, graffiti et figurines en terre cuite renvoient également à la présence de plusieurs divinités32.

Les grottes cultuelles comme éléments du paysage religieux de la Grèce

L’espace de la ville

  • 33 John Travlos, Bildlexikon zur Topographie des antiken Athen, Tübingen, 1971, p. 91‑95 (fig. 115‑122 (...)
  • 34 Peter E. Nulton, The Sanctuary of Apollo Hypoakraios and Imperial Athens, Providence, Rhode Island, (...)
  • 35 Philostrate, Vies des sophistes, II, 1, 5.
  • 36 Ellen E. Rice, « Grottoes on the Acropolis of Hellenistic Rhodes », The Annual of the British Schoo (...)
  • 37 P. E. Nulton, The Sanctuary of Apollo Hypoakraios and Imperial Athens, op. cit., p. 25‑30.
  • 38 Henri Lavagne, Operosa antra. Recherches sur la grotte à Rome de Sylla à Hadrien, Paris, 1988 [BÉFA (...)
  • 39 Hannelore Schreiber, « Die Venusgrotte von Schloß Linderhof, Höhlenkuriositäten (2) », Jahresberich (...)

14Toutes les grottes ne sont pas nécessairement des lieux où se rendent des pèlerins isolés. Dans le centre d’Athènes, sur les flancs septentrional et oriental de l’Acropole, se trouvent plusieurs grottes et plusieurs abris sous roche qui étaient attribués à Apollon Hypoakraios, Zeus Olympios, Pan ou Aglaure (fig. 2)33. À l’inverse des grottes cultuelles du territoire, celles-ci ne se trouvent pas uniquement au centre de la ville, mais étaient également intégrées à la vie publique, comme le montrent par exemple des reliefs trouvés dans la grotte d’Apollon Hypoakraios (arborant des couronnes et des inscriptions votives des neuf archontes), et un décret hellénistique du peuple d’Athènes de l’Aglaurion34. L’intérêt public pour le sanctuaire d’Apollon Hypoakraios se reflète aussi probablement dans le fait que, selon une tradition, le bateau des Panathénées y était conservé35. De même, Zeus Olympios, à qui était consacrée une autre grotte du flanc septentrional de l’Acropole, est une divinité civique éminente. Cependant, ces grottes sont tout aussi peu représentatives des grottes cultuelles grecques que les sites hellénistiques de l’acropole de la ville de Rhodes36. Fondamentalement, elles se différencient des sanctuaires du territoire en ceci qu’elles ont toujours existé à l’intérieur de la ville et qu’elles ont été intégrées, à un moment indéterminé, à son complexe cultuel. Rien dans le matériel votif conservé provenant des grottes de l’Acropole d’Athènes ne remonte au-delà de l’époque classique, et le lieu de dépôt originel même de ces objets n’est pas toujours assuré. Ainsi, Peter E. Nulton a récemment fait remarquer, avec raison, que les traces les plus anciennes d’un culte d’Apollon Hypakraios appartiennent seulement au ier siècle après J.-C.37. Comme pour les grottes de l’acropole de Rhodes, leur mise en service ou l’intensification de leur utilisation peut être simplement liée à l’intérêt croissant, depuis l’époque hellénistique, pour la nature apprivoisée. Le processus d’intégration de la nature dans la vie urbaine se renforce à l’époque impériale. Il se reflète alors dans l’installation de grottes artificielles au sein des villas et par des aménagements architecturaux dans les grottes, comme à Sperlonga38. Un équivalent moderne de cette tendance est encore visible aujourd’hui au château de Linderhof (en Bavière), où le roi Louis II de Bavière fit ériger une « Grotte de Vénus » artificielle pour créer une ambiance appropriée à la musique de Richard Wagner39.

L’espace du territoire

  • 40 Voir à ce propos K. Sporn, « Höhlenheiligtümer in Griechenland », art. cité, p. 45.
  • 41 François de Polignac, « Mediation, Competition, and Sovereignty: The Evolution of Rural Sanctuaries (...)

15Des grottes de ce type, faisant partie intégrante d’une ville ou d’un sanctuaire, sont cependant une minorité. La plupart des grottes cultuelles antiques se trouvent en dehors des établissements et des villes. La proximité d’un établissement n’était pas, sur ce plan, un facteur déterminant, même si certaines grottes se trouvaient à la périphérie d’une ville. La distance jusqu’à l’établissement le plus proche était généralement considérable. Souvent, la séparation était même un élément essentiel – les grottes isolées offrant notamment aux voyageurs qui faisaient une longue route un abri contre les intempéries ; la divinité protectrice était alors sollicitée par une prière et un sacrifice, soit dans l’espoir de poursuivre le voyage en sûreté, soit pour la remercier après un périple effectué avec succès. Quelques grottes, se trouvant à une certaine distance d’un établissement, se situent à proximité de la mer40. Elles ont été manifestement visitées surtout par ceux qui voyageaient sur mer. Dans certaines de ces grottes a été mis au jour du matériel remontant à l’époque géométrique. Et même, les grottes qui recèlent du matériel de cette époque se trouvent majoritairement à proximité de la mer, comme celles de Polis à Ithaque, d’Aspripetra dans la partie sud de Cos, de Koukounaries sur l’île de Paros et d’Aphytis sur la presqu’île de Pallène, en Chalcidique. Une étude détaillée de l’origine de la céramique géométrique trouvée dans ces grottes fait défaut. Cependant, même l’identification d’importations ne signifierait pas nécessairement qu’elles aient été offertes par des voyageurs venant d’autres régions41. Précisément en ce qui concerne l’origine des visiteurs de la grotte de Polis à Ithaque – dont le matériel est relativement bien connu –, aucun consensus ne s’est imposé parmi les chercheurs.

  • 42 Voir K. Sporn, « Mapping Greek sacred caves : Sources, features, cults », art. cité (à paraître).

16Beaucoup d’autres grottes sont situées dans des régions montagneuses retirées. Bon nombre de grottes crétoises ont été visitées par des personnes qui circulaient dans les montagnes : vachers, chevriers, apiculteurs et peut-être commerçants. La médiocre qualité des offrandes révèle le bas niveau social des pèlerins. Mais certainement un problème de sécurité s’est posé, car rien ne garantissait que des objets précieux restent en place dans des grottes non surveillées. Au surplus, la difficulté d’accès s’opposait souvent au don d’objets de grand format. Par conséquent, les pièces en marbre et en matériaux nobles n’appartiennent pas au matériel votif courant des sanctuaires de grottes. Les bas-reliefs de Nymphes dans quelques grottes attiques, les statues de marbre et les bijoux de l’antre Corycien, les boucliers archaïques en bronze de la grotte de l’Ida et les trépieds de la grotte de Polis à Ithaque sont assurément des exceptions42.

Conclusion

17Les grottes cultuelles, en tant que groupe particulier de sanctuaires naturels, constituent un corpus utile à l’étude des structures de l’espace religieux dans la nature. Il s’avère que l’espace naturel de la grotte reste largement intact. C’est surtout dans les lieux où se tenait un culte institutionnalisé, impliquant la participation aux festivités d’une large communauté, que des structures ont été construites pour l’exercice du culte (autels, terrasses) ou pour en faciliter l’accès (chemins, escaliers). L’élément divin n’était pas toujours lié à un endroit déterminé de la grotte et les statues de culte façonnées par la main de l’homme demeurent une rareté.

  • 43 J’adresse mes plus sincères remerciements à Dagmar Schenk et à Olivier Gengler pour la traduction f (...)

18Pour ce qui est de la topographie, on observe différentes situations par rapport à l’espace urbain. Cependant, la plupart des grottes se trouvent en dehors des villes, c’est-à-dire dans l’espace naturel dont elles sont elles-mêmes caractéristiques. Bien qu’en de nombreux endroits, les grottes cultuelles soient déjà en activité avant la formation des villes, elles ne deviennent populaires, le plus souvent, qu’aux époques archaïque et classique. Contemporaines des grands sanctuaires, elles constituent en quelque sorte le pendant naturel des espaces somptueusement bâtis et aménagés de ces sanctuaires43.

Haut de page

Annexe

Illustrations

Fig. 1. Carte d’ensemble des grottes cultuelles grecques

Fig. 1. Carte d’ensemble des grottes cultuelles grecques

Carte dessinée par W. Aulmann d’après une esquisse de K. Sporn

Fig. 2. Les grottes sur le flanc nord-ouest de l’Acropole

Fig. 2. Les grottes sur le flanc nord-ouest de l’Acropole

Cliché K. Sporn

Haut de page

Notes

1 Bacchylide, Dithyrambes, 17, 84‑85; Eschyle, Perses, 111; Elisabeth Krenn, « Heilige Haine im griechischen Altertum – Ursprung, Bedeutung und Funktion », in: Friederike Bubenheimer et al. (éd.), Kult und Funktion griechischer Heiligtümer in archaischer und klassischer Zeit, 1. Archäologisches Studentenkolloquium Heidelberg, 18. – 20. Februar 1995, Mayence, 1996 [Schriften des Deutschen Archäologen-Verbandes e. V., 15], p. 2.

2 ThesCRA, IV, 2005, p. 12‑13, s.v. « Alsos » (Ulrich Sinn). Pour les bois et les jardins sacrés, voir Darice Elisabeth Birge, Sacred groves in the ancient Greek world, PhD Diss. University of California, Berkeley, 1982 ; Olivier de Cazanove, John Scheid (éd.), Les bois sacrés : actes du colloque international organisé par le Centre Jean Bérard et l’École Pratique des Hautes Études (Ve section), Naples, 23‑25 novembre 1989, Naples, 1993 [Collection du Centre Jean Bérard, 10] ; Michael Conan (éd.), Sacred Gardens and Landscapes, Ritual and Agency, Dumbarton Oaks Colloquium on the History of Landscape Architecture XXVI, held at Dumbarton Oaks May 10 - 12, 2002, Washington, 2007.

3 Parmi les exceptions connues en Grèce, on peut compter les fosses de plantation des arbres du sanctuaire de Zeus à Némée : voir l’exposé détaillé de Darice E. Birge, « The Sacred Square », in : Id., Lynn H. Kraynak, Stephen Gaylor Miller (éd.), Nemea, I : Excavations at Nemea. Topographical and Architectural Studies : The Sacred Square, the Xenon, and the Bath, Berkeley, Los Angeles, Oxford, 1992, p. 85‑98. Concernant les recherches récentes dans le bois sacré du temple de Vénus à Pompéi, voir Maureen Carroll, « Nemus et Templum : Exploring the sacred grove at the Temple of Venus in Pompeii », in : Pietro Giovanni Guzzo, Maria Paola Guidobaldi (éd.), Nuove ricerche archeologiche nell’area vesuviana (Scavi 2003‑2006), Rome, 2008 [Studi della Soprintendenza archeologica di Pompei, 25], p. 37‑45.

4 Friedrich Muthmann, Mutter und Quelle. Studien zur Quellenverehrung im Altertum und im Mittelalter, Bâle, 1975.

5 Une étude de grande ampleur sur les grottes cultuelles grecques est en préparation par l’auteur. Pour une première présentation des résultats, voir Katja Sporn, « Höhlenheiligtümer in Griechenland », in : Christian Frevel, Henner von Hesberg (éd.) Kult und Kommunikation : Medien in Heiligtümern der Antike, Wiesbaden, 2007, p. 39‑62; et Katja Sporn, « Mapping Greek sacred caves: Sources, features, cults », in: Jesper Tae Jensen, Fanis Mavridis (éd.), Stable Places and Changing Perceptions: Cave Archaeology in Greece and Adjacent Areas, Copenhague [Monograph of the Danish Institute at Athens, 8] (sous presse).

6 Ceci concerne l’époque historique. Sur l’utilisation des grottes en Italie au néolithique et à l’âge du cuivre, voir Ruth Whitehouse, Underground Religion. Cult and Culture in Prehistoric Italy, Londres, 1992; Id., « Underground Religion Revisited », in: David A. Barrowclough, Caroline Malone (éd.), Cult in Context: Reconsidering Ritual in Archaeology, Londres, 2007, p. 97‑106.

7 Concernant le culte de Pan, voir l’ouvrage de Philippe Borgeaud, Recherches sur le dieu Pan, Genève, 1979, qui fait toujours autorité, spécialement p. 79‑115 et p. 195‑237 pour la diffusion de son culte à Athènes.

8 Voir par exemple ThesCRA, IV, 2005, p. 1‑4 s.v. « Kultorte » (Ulrich Sinn), de même que pour la délimitation du temenos.

9 Concernant le problème de la définition et de la délimitation de l’espace rituel dans les sanctuaires naturels, avec cependant une attention particulière pour le viiie s. avant J.-C., cf. François de Polignac, La naissance de la cité grecque, Paris, 1984, p. 27‑29 ; Christiane Sourvinou-Inwood, « Early sanctuaries, the eighth century and ritual space : fragments of a discourse », in : Nanno Marinatos, Robin Hägg (éd.), Greek sanctuaries : New approaches, Londres, New York, 1993, p. 1‑17, particulièrement p. 6‑7.

10 L’opinion selon laquelle les sanctuaires naturels sont d’anciennes structures qui ont été préservées jusqu’aux époques hellénistiques et romaines a encore été récemment reprise par John Pedley, Sanctuaries and the Sacred in the Ancient World, Cambridge, 2005, p. 29‑39.

11 Des terrasses naturelles se trouvent approximativement en face de l’antre Corycien, de la grotte de l’Ida et devant la grotte des Nymphes, près de Pharsale : Doro Levi, « L’antro delle ninfe e di Pan a Farsalo in Tessaglia », ASAtene 6‑7, 1923‑1924, p. 27‑42 avec la bibliographie antérieure. L’on en trouve également devant la grotte (de Déméter ?) à Mégare : Gioacchino Francesco La Torre, « La grotta di Mourmouni : una nota sulla topografia di Megara Nisea », ASAtene 70‑71, 1992‑1993, p. 355‑363. Des terrasses artificielles et un mur de barrière en bloc tout à fait atypique sont repérables devant la grotte de Ellinokamara sur l’île de Kasos, dont la fonction n’est pas encore tout à fait établie : voir en dernier lieu K. Sporn, « Höhlenheiligtümer in Griechenland », art. cité, p. 47‑49 (fig. 2 et 3 avec la bibliographie).

12 Vari : IG I977a, Pharsale : SEG 1, 248 et SEG 2, 357 (ve siècle avant J.-C.).

13 Au nombre des exceptions, on compte la grotte de Krounia en Thessalie, où des éléments architecturaux et des tuiles, dont on attend la publication, ont été découvertes : voir Christos Agouridis, Gianna Zygouri, Vasso Rontiri, « Το σπήλαιο στη θέση Κρούνια », in : Αρχαιολογικό έργο Θεσσαλίας και Στερεάς Ελλάδας. Πρακτικά επιστημονικής συνάντησης, Βόλος 27.2. - 2.3.2003, Volos, 2006, vol. I, p. 249‑62.

14 Voir à ce propos K. Sporn, « Höhlenheiligtümer in Griechenland », art. cité, p. 46‑51.

15 Maria Deoudi, Ιθάκη. Die Polis-Höhle, Odysseus und die Nymphen, Thessalonique, 2008, p. 323‑324.

16 Concernant l’autel devant l’antre Corycien, voir Pierre Amandry, « Le culte des Nymphes et de Pan à l’antre Corycien », in : Id.(éd.), L’antre Corycien II, Paris, 1984, [BCH Suppl. 9], p. 413‑414. Sur l’autel situé devant la grotte de l’Ida, voir Katja Sporn, Heiligtümer und Kulte Kretas in klassischer und hellenistischer Zeit, Heidelberg, 2002 [Studien zu antiken Heiligtümern vol. 3], p. 218‑220.

17 La question problématique de l’ancienneté de la fête des Idaia reste cependant posée : voir K. Sporn, Heiligtümer und Kulte Kretas in klassischer und hellenistischer Zeit, op. cit. Pour les Odysseia à Ithaque, voir Irad Malkin, The Returns of Odysseus. Colonization and Ethnicity, Berkeley, Los Angeles, Londres, 1998, p. 94 – 119. Parmi les divinités qui sont nommées dans les inscriptions votives découvertes dans la grotte de Polis (particulièrement sur les vases), Ulysse apparaît une seule fois, et tardivement : IG IX 12 4, no 1615, ier siècle avant J.-C. Il n’est pas assuré que la fête des Odysseia, mentionnée dans une inscription de 206 avant J.-C. qui n’a pas été trouvée dans la grotte, soit liée à celle-ci.

18 Pour plus de détails, voir K. Sporn, « Höhlenheiligtümer in Griechenland », art. cité, p. 54‑55.

19 Sur les autels rupestres rudimentaires dans les grottes de Skoteino et de Melidoni en Crète, et dans la grotte des Nymphes de Siphnos, voir K. Sporn, « Höhlenheiligtümer in Griechenland », art. cité, p. 54, note 41.

20 Sur les restes subsistant dans les grottes de Cos et de Cyllène, ainsi que devant les grottes de Daphni et Karabola, voir K. Sporn, « Höhlenheiligtümer in Griechenland », art. cité, p. 54, notes 43 et 44.

21 Concernant les bas-reliefs de Nymphes, voir Charles M. Edwards, Greek Votive Reliefs to Pan and the Nymphs, Ph.D. diss., New York University, 1985. Sur la signification de l’iconographie pour les grottes cultuelles, voir K. Sporn, « Mapping Greek sacred caves : Sources, features, cults », art. cité (à paraître).

22 Cette grotte était précédemment identifiée à la grotte de Liontari, située au-delà de Paiania : cf. Eugene Vanderpool, « Pan in Paiania. A note on lines 407‑409 of Menander’s Dyskolos », American Journal of Archaeology, 71, 1967, p. 309‑311; Jere M. Wickens, The archaeology and history of cave use in Attica, Greece from prehistoric through late Roman times, Ph.D. diss., Indiana University, 1986, p. 181. Depuis, de récentes recherches ont remis cette identification est question : Lilian Karali, Theophanis Mavridis, Lina Kormazopoulou, « Σπήλαιο Λεονταρίου Υμηττού Αττικής. Ένα πετρώδες και ορεινό περιβάλλον », Athens Annals of Archaeology, 39, 2006, p. 31‑44.

23 D’après une source hellénistique, Antoninus Liberalis, 19, rapporte qu’un grand feu était allumé chaque année à la grotte de l’Ida : voir Minos Kokalakis, « Zeus’ tomb. An object of pride and reproach », Kernos, 8, 1995, p. 124.

24 De telles inscriptions sont attestées à Pharsale : Jean-Claude Decourt, Inscriptions de Thessalie, I : Les cités de la vallée de l’Énipeus, Athènes, 1995 [Études épigraphiques, 3], p. 72 ; Jennifer Larson, Greek nymphs : Myths, cults and lore, Oxford, 2001, p. 16‑17 et 238. D’autres se retrouvent à Goritsa dans le Pelion: Simon C. Bakhuizen (éd.), A Greek City of the 4th century B.C., Rome, 1992 [Bibliotheca Archaeologica, 10], p. 306‑307 (fig. 113: ΔΙΟΣ ΜΙΛΙΧΙΟΥ, vers le iiie siècle avant J.-C.); et dans la grotte des Nymphes de Siphnos: Lilian H. Jeffrey, Local Scripts of Archaic Greece: a study of the origin of the Greek alphabet and its development from the eighth to the fifth centuries B.C., Oxford, 1990, p. 296 (ΝΥΦΕΩΝ ΙΕΡΟΝ, vers 500 avant J.-C.).

25 Anastasios K. Orlandos, « Pitsà », Enciclopedia dell’arte antica, classica e orientale, 6, 1965, p. 200‑206 (représentation en couleur à l’aquarelle de la tablette).

26 Bien qu’il ne s’agisse pas d’une dédicace au sens d’une offrande, le traité d’époque hellénistique qui a été exposé devant la grotte de l’Ida est bien un document à caractère officiel : K. Sporn, Heiligtümer und Kulte Kretas in klassischer und hellenistischer Zeit, op. cit., p. 219 et note 1600.

27 Pour les statues dans les grottes, voir K. Sporn, « Höhlenheiligtümer in Griechenland », art. cité, p. 51‑54.

28 L’évolution chronologique donnée par exemple chez J. Pedley, op. cit., p. 29, selon laquelle la présence de la divinité n’est, à l’origine, qu’indirectement suggérée, mais ensuite concrétisée dans une représentation sculptée, n’est pas valable pour les grottes – ni même pour les autres sanctuaires naturels – avec un tel caractère absolu. Sur les images cultuelles et leur signification, voir Simona Bettinetti, La statua del culto nella practica rituale greca, Bari 2001 ; ThesCRA, II, 2004, p. 419‑468, s.v. « Rites et activités relatifs aux images de culte ».

29 Il n’est pas certain que les vestiges de mobilier en ivoire appartiennent à ce trône: Jannis A. Sakellarakis, « The Idaean Cave Ivories », in: J. Lesley Fitton (éd.), Ivory in Greece and the Eastern Mediterranean from the Bronze Age to the Hellenistic period, Londres, 1992 [Occasional Papers of the British Museum, 85], p. 113‑140.

30 K. Sporn, Heiligtümer und Kulte Kretas in klassischer und hellenistischer Zeit, op. cit., p. 275‑277.

31 Pour les inscriptions, voir J.-C. Decourt, Inscriptions de Thessalie, I : Les cités de la vallée de l’Énipeus, op. cit., p. 88‑94, no 72 et 73, et infra n. 12.

32 Parmi les nombreux exemples, on citera seulement ici les grottes de Lera et d’Arkoudospilia en Crète, discutées par K. Sporn, Heiligtümer und Kulte Kretas in klassischer und hellenistischer Zeit, op. cit., p. 273‑277, en lien avec la problématique de l’interprétation de chaque type de représentations. Sur les destinataires des cultes de grotte, voir K. Sporn, « Höhlenheiligtümer in Griechenland », art. cité, p. 55‑61 ; Id. « Mapping Greek sacred caves : Sources, features, cults », art. cité (à paraître), avec le tableau de synthèse, fig. 4.

33 John Travlos, Bildlexikon zur Topographie des antiken Athen, Tübingen, 1971, p. 91‑95 (fig. 115‑122); George Kavvadias, North, East and West Slopes of the Acropolis, Athènes, 2004, p. 19‑22 (fig. 10‑14).

34 Peter E. Nulton, The Sanctuary of Apollo Hypoakraios and Imperial Athens, Providence, Rhode Island, 2003, p. 31‑35, et le catalogue p. 39‑88. Sur l’Aglaurion : Georgios Dontas, « The true Aglaurion », Hesperia, 52, 1983, p. 48‑63. L’inscription avec sa base a été découverte à proximité, in situ.

35 Philostrate, Vies des sophistes, II, 1, 5.

36 Ellen E. Rice, « Grottoes on the Acropolis of Hellenistic Rhodes », The Annual of the British School at Athens, 90, 1995, p. 383‑404.

37 P. E. Nulton, The Sanctuary of Apollo Hypoakraios and Imperial Athens, op. cit., p. 25‑30.

38 Henri Lavagne, Operosa antra. Recherches sur la grotte à Rome de Sylla à Hadrien, Paris, 1988 [BÉFAR, 272].

39 Hannelore Schreiber, « Die Venusgrotte von Schloß Linderhof, Höhlenkuriositäten (2) », Jahresbericht der Höhlenforschergruppe Rhein-Main, 10, 1988, p. 111‑113.

40 Voir à ce propos K. Sporn, « Höhlenheiligtümer in Griechenland », art. cité, p. 45.

41 François de Polignac, « Mediation, Competition, and Sovereignty: The Evolution of Rural Sanctuaries in Geometric Greece », in: Susan Alcock, Robin Osborne (éd.), Placing the Gods. Sanctuaries and Sacred Space in Ancient Greece, Oxford, 1994, p. 11‑12. Sur l’origine de la céramique de la grotte de Polis à Ithaque, se référer désormais à M. Deoudi, Ιθάκη. Die Polis-Höhle, Odysseus und die Nymphen, op. cit., (discussion de la signification de l’origine du matériel et bibliographie d’orientation).

42 Voir K. Sporn, « Mapping Greek sacred caves : Sources, features, cults », art. cité (à paraître).

43 J’adresse mes plus sincères remerciements à Dagmar Schenk et à Olivier Gengler pour la traduction française de cette étude.

Haut de page

Table des illustrations

Titre Fig. 1. Carte d’ensemble des grottes cultuelles grecques
Crédits Carte dessinée par W. Aulmann d’après une esquisse de K. Sporn
URL http://journals.openedition.org/rhr/docannexe/image/7671/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 180k
Titre Fig. 2. Les grottes sur le flanc nord-ouest de l’Acropole
Crédits Cliché K. Sporn
URL http://journals.openedition.org/rhr/docannexe/image/7671/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 186k
Haut de page

Pour citer cet article

Référence papier

Katja Sporn, « Espace naturel et paysages religieux : les grottes dans le monde grec »Revue de l’histoire des religions, 4 | 2010, 553-571.

Référence électronique

Katja Sporn, « Espace naturel et paysages religieux : les grottes dans le monde grec »Revue de l’histoire des religions [En ligne], 4 | 2010, mis en ligne le 01 décembre 2013, consulté le 09 juin 2023. URL : http://journals.openedition.org/rhr/7671 ; DOI : https://doi.org/10.4000/rhr.7671

Haut de page

Auteur

Katja Sporn

Université de Salzbourg
Universität Salzburg
Fachbereich Altertumswissenschaften
Klassische Archäologie
Residenzplatz 1/II
A-5020 Salzburg
katja.sporn@sbg.ac.at

Haut de page

Droits d’auteur

Tous droits réservés

Haut de page
  • Revue soutenue par l’Institut des sciences humaines et sociales du CNRS
    CNRS - Institut national des sciences humaines et sociales
  • OpenEdition Journals
Search OpenEdition Search

You will be redirected to OpenEdition Search